Vers plus de qualité avec deux enveloppes ?

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Dans le cadre du nouveau droit des marchés publics, la méthode dite des deux enveloppes offre aux constructeurs d’infrastructures de meilleures chances d’une évaluation équitable et sans préjugés de leur offre. Mais cette méthode d’évaluation ne constitue pas encore un changement de paradigme dans les marchés publics.

Aussi bien la Loi sur les marchés publics (LMP), entrée en vigueur le 1er janvier 2021, que l’Accord intercantonal sur les marchés publics révisé (AIMP) prévoient pour la première fois explicitement la possibilité d’appliquer la méthode dite des deux enveloppes pour les achats (e.g. LMP 37 al. 3, 38 al. 4, AIMP 35 let. I). Cette méthode, déjà appliquée sous une forme similaire par la Banque mondiale (Worldbank Procurement Regulations for IPF Borrowers), est caractérisée principalement par la séparation en deux parties – et deux enveloppes – de la soumission et de l’évaluation des offres. Alors que la première enveloppe contient les justificatifs des critères techniques et de qualité, la deuxième enveloppe contient uniquement le prix de l’offre.

Si le pouvoir adjudicateur souhaite acquérir des prestations au moyen de la méthode des deux enveloppes, il doit le spécifier dans l’appel d’offres et préciser que les prestations et le prix de l’offre doivent être remis dans des enveloppes séparées (cf. LMP 35 let. I). Conformément à cette séparation en deux parties, l’ouverture des offres et leur évaluation se font également en deux étapes. On commence par ouvrir les enveloppes des prestations, qui sont évaluées en premier lieu. Après cela, on ouvre les enveloppes des prix, qui viennent compléter l’évaluation de la qualité et conduisent au résultat global.

Le prix perturbe les sens

Mais pourquoi donc cette stricte séparation en critères de qualité et prix ? On attribue souvent à l’argent le pouvoir d’influencer notre perception. Qui n’a pas déjà ressenti cet effet face à deux bouteilles de vin ? Si leur prix est connu dès le départ, on aura tendance à avantager le vin le plus cher, au détriment de la bouteille plus avantageuse. Le résultat pourrait en revanche être différent si l’on se fiait uniquement à ses papilles gustatives. Afin d’éviter une telle distorsion de la perception dans le processus d’adjudication d’infrastructures, le prix reste au départ inconnu, avec la méthode des aux enveloppes. L’équipe d’évaluation doit ainsi pouvoir évaluer sans préjugés les prestations proposées, les projets de référence, l’analyse des risques ou les rapports techniques.

Le prix a aussi son mot à dire

Une fois que les critères de qualité ont été évalués, la deuxième enveloppe entre en jeu. Une offre qui n’arrive pas en première position pour des raisons de qualité ne doit pas nécessairement être considérée comme échouée ou éliminée. Toutes les offres ayant rempli les exigences formelles et les critères de qualification restent dans la course pour l’adjudication. Il n’y a donc pas de présélection définitive, dans laquelle seules quelques offres seraient retenues pour la « seconde manche » relative au prix. Sur ce point, la méthode des deux enveloppes ne se distingue pas de la méthode classique de la « simple enveloppe » : dans un cas comme dans l’autre, le prix de l’offre a aussi une influence (e.g. ATF 143 II 553 E. 6.4). Dans une deuxième étape, le pouvoir adjudicateur ouvre également les enveloppes des prix et les évalue selon la pondération définie dans l’appel d’offres et la courbe des prix, et introduit la note correspondante dans l’évaluation globale (OFCL/CCMP, Révision synoptique de la LMP, p. 34). Ce n’est qu’après cette étape que l’offre globalement la plus avantageuse peut être déterminée.

La méthode d’évaluation ne constitue pas encore un changement de paradigme

Qu’est-ce que cela implique pour la concurrence basée sur la qualité, dans le droit des marchés publics ? On peut certainement attribuer un effet catalytique à la méthode des deux enveloppes, concernant l’évaluation objective de critères de qualité. Mais le succès du changement de paradigme ardemment souhaité ne dépend pas uniquement de la méthode d’évaluation choisie. Le choix des critères de qualification et, surtout, des critères d’adjudication à appliquer par le pouvoir adjudicateur ainsi que leur pondération dans le cas d’espèce revêtent une importance primordiale. On recommandera par conséquent aux pouvoirs adjudicateurs non seulement de tester la méthode des deux enveloppes dans le cadre de projets pilotes concrets quant à son applicabilité et sa faisabilité, mais aussi d’établir dans la pratique les critères d’adjudication qualitatifs prévus par la loi (notamment durabilité et caractère innovant) et de créer et mettre en œuvre les instruments nécessaires à cela. Ces derniers doivent impérativement être conçus de manière à permettre une mesure objective et vérifiable de la qualité. On pourra, par exemple, utiliser pour cela le standard Construction durable Suisse.

Infra Suisse s’engage pour une concurrence basée sur la qualité

Avec la LMP comme base déterminante, Infra Suisse s’engage pour la promotion d’une concurrence basée sur la qualité dans la construction d’infrastructures. A l’avenir, l’utilisation des deniers publics ne doit pas seulement être économique. L’évidence doit bien plus s’imposer que l’offre la plus avantageuse ne peut être que celle qui marque des points à la fois aux plans économique, écologique et social. Les moyens et les instruments (juridiques) à disposition (p.ex. la méthode des deux enveloppes) doivent être mis en œuvre, développés et appliqués dans la pratique de manière à ce que la qualité obtienne non pas le rôle de soliste, mais bien celui du premier violon.

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